Djamel Allam naît en Kabylie le 26 juillet 1947. Il fréquente le Conservatoire de musique local, puis part en 1970, à l'âge de 23 ans en France. Il commence comme machiniste pour l'organisation de spectacles sur Marseille, ce qui va lui permettre de rencontrer notamment Léo Ferré et Bernard Lavilliers. Ce dernier va le pousser à monter à Paris, pour chanter dans des cabarets. Claude Villers, animateur sur France Inter, va le remarquer, et lui présenter le patron du label "Escargots", pour produire son premier disque. On est alors en 1976.

I - Les albums :



"Laissez-moi raconter", exprime d'emblée la force des chansons de Djamel : musicalement inspirées de la tradition chââbi, elles s'en éloignent grâce non seulement à une économie d'instruments, mais aussi à la modernité de ceux-ci : orgue, piano électrique, violon.. Chantés en kabyle, sa langue maternelle, les titres sont traduits en arabe et en français. Djamel se souvient de son pays, et nous emmène dans des balades tantôt empreintes de tristesse (la mort, la guerre), tantôt d'espoir (son pays, la femme).

Devant la rivière en crue,
J'ai craint que le courant ne m'emporte.
Elle était là, et m'a lancé une corde
Tressée des fibres de son âme

Elle m'a préparé une couche
Et donné son épaule
J'ai oublié le froid et l'angoisse
Mes yeux se sont fermés sur son visage


L'intérieur de la pochette ouvrante de "Laissez-moi raconter" :



Après un succès mérité, voici le temps venu du second album, en 1978, intitulé "Les rêves du vent". Une fois de plus le traditionnel côtoie la modernité. Allam, toujours entouré par beaucoup d'instrumentistes berbères (karkabou, derbouka, bendir, tar, naï, gembri...), pose avec justesse sa voix au timbre chaleureux. C'est encore et toujours l'histoire de son pays, sa propre histoire, qui est mise en avant dans des textes majoritairement écrits par lui.

Le jour où tu verras le navire rompre
ses attaches ombilicales
tu puiseras chance et paix,
dans des relents d'encens tristes

Rêve, rêve et fais les rêves du vent,
Pleure, pleure et pleure les larmes de l'ennemi


L'intérieur de la pochette ouvrante de "Les rêves du vent" :

En 1981, "Si Slimane" sort en 33 tours. Disque plus politisé que les autres, Djamel Allam cite des défenseurs de la liberté, tels que Che Guevara (guerillero cubain), Kateb Yacine (journaliste algérien), ou encore Ibn-Khaldoun (sociologue tunisien). Il n'oublie pas ses racines algériennes dans les chansons "Rue Didouche Mourad", ou "Gatlato", cette dernière en hommage à un de ses maîtres, Dahmane El Harrachi. Et bien sûr, toujours et encore, il célèbre l'amour en rendant hommage aux femmes.

Longtemps, très longtemps
J'ai baissé les bras
Longtemps, très longtemps
J'ai fermé les yeux.

Comment trouver
La source du pardon
Pour purifier ce poème ?
C'est ta bouche...
Je te souhaite heureuse et longue vie




"Salimo" sort en 1985, non plus sur le label du début, "Escargot", mais "Celluloïd". Disque beaucoup plus positif, Djamel Allam devenu papa, dédie cet album à son rejeton dont le prénom est... Salimo ! Cela n'empêche pas de retrouver des textes amers sur la vie d'exil ("Chetki" ), et la mort ("Amrar" ), chaque face se terminant par un morceau instrumental.

Sur une robe écarlate
Qui châtoie en reflets de lune,
Elle ajuste une ceinture qui bruisse :
Pouvoir sacré de sa jeunesse...
En escarpins en soie de Chine,
Elle s'avance, comme sur des oeufs...

Une seule et unique compilation pour Djamel Allam, dans la série "Paroles et musiques". Sortie en 1981, elle reprend des extraits des 3 premiers albums, soit sa période "Escargot".



II - Conclusion

Durant les années 80, Djamel Allam va composer plusieurs musiques de films, et même être acteur ! Puis il va partir durant quelques années en Algérie pour gérer un label afin de promouvoir de jeunes chanteurs et musiciens. Las, le projet sera abandonné suite aux émeutes de 1988, qui pousse Djamel à rentrer en France. De par son origine Berbère, ses textes engagés, et le fait qu'il a chanté des chansons en arabe, il va devenir persona non grata en Algérie. Quant à la France, elle l'a quelque peu oublié : le retour sur scène va s'avérer difficile, car les temps changent vite.



Dans les années 90, sortent 2 nouveaux albums, uniquement sur support CD : "Mawlud" et "Le chant des sources". Puis en 2001, "Gouraya". Mais ils resteront relativement confidentiels. Ils sont pourtant très bien produits, et excellents à l'écoute.



Une intégrale en 9 CD sort dans les années 2000, comportant des instrumentaux inédits.

Bien qu'artiste francophone, engagé auprès des droits des femmes et de la liberté d'expression, et qui s'est produit internationalement, sa carrière post 80 passe quelque peu inaperçue en France, son pays d'adoption. Djamel Allam meurt des suites d'un cancer, à l'âge de 71 ans, le 15 septembre 2018, à Paris, et est enterré dans sa ville natale de Bejaïa, en Algérie.

Avant que la furie du vent ne s'estompe,
Avant qu'en mer la houle ne se lève,
Donne-moi ta main, donne-moi ta main,
Donne moi ta main, nous tressaillirons ensemble.

Avant que des étoiles, la lumière ne s'éteigne,
Avant que dans l'âtre, le feu ne se meurt,
Donne-moi ta main, donne-moi ta main,
Donne moi ta main, nous tressaillirons ensemble

Pour les plus curieux d'entre vous, un documentaire retrace son parcours :



Merci à tous de m'avoir lu. Le prochain hommage que je rendrai, sera pour... Ian Curtis !


Pour rappel, la liste des hommages publiés sur Vinyl collection :

Mark Hollis
Rachid Taha
Dave Greenfield
Florian Schneider
Freddie Mercury
Daphné Hendricks
George Young
David Bowie
Jim Morrison
Dusty Hill
Klaus Nomi

Merci manu2