cush
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Posté le 19/06/15 à 07:59
Voici la première publicité pour la série BYG Actuel parue tout au début de l'année 1970 dans la revue Jazzmag.
Il faut savoir que la sortie des albums ne suit pas forcément l'ordre chronologique des enregistrements ni même de la numérotation adoptée. Il sera même attribué un numéro à un album qui ne sortira jamais dans la série, il figure sur la publicité ci-dessus. Par ailleurs, une numérotation différente sera observée pour les albums sortis en Espagne. Il y aura également une sortie japonaise avec un label différent (fort joli ma foi).
De plus la série coïncide avec la transition BIEM/SACEM, ce qui va donner lieu à des confusions, voire des sorties réellement surprenantes, un même album sorti à quelques mois d'intervalle n'aura pas le même label! Il y a vraiment de quoi s'y perdre mais du coup rien qu'en observant le label on peut dater assez précisément un album et constater des "rééditions sauvages" limitées à de faibles quantités. Même la qualité du support vinyle peut être une indication, heureusement cela ne concerne pas la série BYG Actuel, la qualité des sorties datant de 1972 est profondément aléatoire. Les albums neufs comportent des creux ou des bosses au gré du hasard...
cush
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Posté le 19/06/15 à 13:49
07-Michel Puig : Stigmates
Face1-Scènes 1 à 3 16:43
Face2-Scènes 4 à 6 15:49
• Composed By, Supervised By – Michel Puig
• Conductor – René Leïbowitz
• Lyrics By – Jacques Pajak
Avec l’album de Michel Puig la série « Actuelle » fraie avec un genre nouveau, la musique contemporaine. Cet album est tout à fait à part et fait figure de mouton noir au beau milieu du troupeau free, il aura d’ailleurs un accueil surprenant, ni critiqué, ni descendu, tout simplement ignoré. Alors pourquoi cette sortie si étonnante ? Ce risque commercial? Pour comprendre il faut se plonger dans l’époque, en 1969 les évènements et la révolte étudiante de l’année précédente sont toujours dans les têtes et la remise en cause de la société reste d’actualité, la guerre du Viêt-Nam mobilise encore et le militantisme fait feu de tous bois. Or, Stigmates est une œuvre engagée contre la torture, dont le cadre historique se situe pendant la guerre d’Algérie, elle fait tout naturellement écho aux idées libertaires qui nourrissent les pensées de la jeunesse d’alors.
C’est une œuvre contemporaine dirigée par le chef René Leïbowitz, entièrement écrite, d’un abord qui pourra sembler froid à l’amateur de jazz. Le thème lui- même est glaçant, la torture et les marques qu’elle laisse, ces stigmates qui s’inscrivent de façon indélébiles dans l’épiderme de notre société…
L’œuvre se déroule à la façon d’un opéra, narrant une histoire dont l’écriture est précise et détaillée, quasi chirurgicale, rien ne sera épargné à l’auditeur qui est plongé dans l’horreur et l’indicible. Nous voilà projetés dans une atmosphère inquiétante, environnés de dissonances, de tambours martiaux, de sifflets stridents, des cris… Un homme est arrêté !
C’est l’entrée dans un monde sombre et carcéral, dans un tunnel sans lumière dans lequel nous voilà plongés. L’auditeur est témoin, et même sujet, de la violence qui s’abat avec une cruelle froideur, voire un certain détachement : « Ne rien dire, rien... rien… combien de temps encore, non Rien…[cris] pas, pas…»
Rien ici n’est fait pour plaire ou séduire, les accords sont dramatiques, les sons strient le silence, le décomposent, le hachent menu, ça grince, ça frappe, ça cogne, ça couine. Dans un premier temps, tout est à l’impératif, les ordres, les insultes ! « Sale race, tu vas cracher ! » Puis on glisse vers l’interrogatif « Alors on ne sait pas où se cache notre ami Moss ? » Puis arrive le temps des exclamations, des cris, de la souffrance !
Il est bien que cet album ait un statut « à part » qui souligne son originalité, mais il ne mérite pas l’indifférence dans laquelle il baigne depuis sa première parution.
(Une réédition qui illustre les propos sur le post ci-dessus : édition sauvage avec un label Sacem.)
fred36
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Posté le 20/06/15 à 21:37
cush a écrit :
07-Michel Puig : Stigmates
Face1-Scènes 1 à 3 16:43
Face2-Scènes 4 à 6 15:49
• Composed By, Supervised By – Michel Puig
• Conductor – René Leïbowitz
• Lyrics By – Jacques Pajak
Avec l’album de Michel Puig la série « Actuelle » fraie avec un genre nouveau, la musique contemporaine. Cet album est tout à fait à part et fait figure de mouton noir au beau milieu du troupeau free, il aura d’ailleurs un accueil surprenant, ni critiqué, ni descendu, tout simplement ignoré. Alors pourquoi cette sortie si étonnante ? Ce risque commercial? Pour comprendre il faut se plonger dans l’époque, en 1969 les évènements et la révolte étudiante de l’année précédente sont toujours dans les têtes et la remise en cause de la société reste d’actualité, la guerre du Viêt-Nam mobilise encore et le militantisme fait feu de tous bois. Or, Stigmates est une œuvre engagée contre la torture, dont le cadre historique se situe pendant la guerre d’Algérie, elle fait tout naturellement écho aux idées libertaires qui nourrissent les pensées de la jeunesse d’alors.
C’est une œuvre contemporaine dirigée par le chef René Leïbowitz, entièrement écrite, d’un abord qui pourra sembler froid à l’amateur de jazz. Le thème lui- même est glaçant, la torture et les marques qu’elle laisse, ces stigmates qui s’inscrivent de façon indélébiles dans l’épiderme de notre société…
L’œuvre se déroule à la façon d’un opéra, narrant une histoire dont l’écriture est précise et détaillée, quasi chirurgicale, rien ne sera épargné à l’auditeur qui est plongé dans l’horreur et l’indicible. Nous voilà projetés dans une atmosphère inquiétante, environnés de dissonances, de tambours martiaux, de sifflets stridents, des cris… Un homme est arrêté !
C’est l’entrée dans un monde sombre et carcéral, dans un tunnel sans lumière dans lequel nous voilà plongés. L’auditeur est témoin, et même sujet, de la violence qui s’abat avec une cruelle froideur, voire un certain détachement : « Ne rien dire, rien... rien… combien de temps encore, non Rien…[cris] pas, pas…»
Rien ici n’est fait pour plaire ou séduire, les accords sont dramatiques, les sons strient le silence, le décomposent, le hachent menu, ça grince, ça frappe, ça cogne, ça couine. Dans un premier temps, tout est à l’impératif, les ordres, les insultes ! « Sale race, tu vas cracher ! » Puis on glisse vers l’interrogatif « Alors on ne sait pas où se cache notre ami Moss ? » Puis arrive le temps des exclamations, des cris, de la souffrance !
Il est bien que cet album ait un statut « à part » qui souligne son originalité, mais il ne mérite pas l’indifférence dans laquelle il baigne depuis sa première parution.
(Une réédition qui illustre les propos sur le post ci-dessus : édition sauvage avec un label Sacem.)
ne vois rien de péjoratif , ça me rappelle les musiques d'ambiance des polars type "le cercle rouge"
cush
Inscrit le : 18/02/11 Membre Disque Diamant
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Posté le 21/06/15 à 07:57
fred36 a écrit :
ne vois rien de péjoratif , ça me rappelle les musiques d'ambiance des polars type "le cercle rouge"
Pourquoi pas ? C'est une musique tendue et angoissante, de plus elle est écrite pour être jouée lors d' une représentation visuelle.
cush
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Posté le 21/06/15 à 08:09
08-Burton Greene ensemble: Aquariana
A1- Aquarius Suite 18:24
B1- From Out of Bartok 5:10
B2- Two-One-two vibrations 19:20
Alto Saxophone – Arthur Jones
Bass – Beb Guerin, Dieter Gewissler
Drums – Claude Delcloo
Piano – Burton Greene
Trumpet – Jacques Coursil
Flûte, Shenaï - Didier Malherbe
Sous la houlette de Byg, la course à l’enregistrement a commencé avec l’Art ensemble de Chicago le 7 juillet, le 8 et le 10 c’est le cornettiste /trompettiste Jacques Coursil qui enregistre deux albums avec Arthur Jones à l’alto, Beb Guérin à la basse et Claude Delcloo à la batterie auxquels viennent s’ajouter pour le second album, le multi instrumentiste Anthony Braxton et le pianiste Burton Greene. Celui-ci enregistre son propre album « Aquariana » le 9 avec Jacques Coursil, Beb Guérin, Arthur Jones, Claude Delcloo que rejoignent Didier Malherbe venu de Gong et Dieter Gewissler qui vient doubler la basse de Beb Guérin.
C’est cela l’esprit BYG, le matin on ne sait pas exactement avec qui on va jouer, qui sera dans les studios et figurera sur l’enregistrement. Au gré des rencontres, des disponibilités, les liens se tissent, les groupes se forment, l’ambiance est « cool », « relax », cet été là une grande complicité s’est établie entre les musiciens, un jour leader, le lendemain sideman, aucune importance, l’essentiel c’est de jouer, de participer à la création. En ces temps, personne n’avait conscience de participer à une pléiade d’enregistrements historiques qui compteront dans l’histoire de la musique. Les nombreuses rééditions récentes du catalogue BYG, quarante – cinq ans plus tard, en témoignent.
Après une introduction où les musiciens jouent des notes suspendues dans l’espace, en apesanteur et sans ordre apparent, superposées comme les strates d’un mille-feuille, évoquant les mystères et l’inconnu, « Aquarius Suite » s’enroule autour d’une pulsation rythmique menée par les basses et c’est le monde de l’Orient qui s’ouvre à nous. Après des évocations mystiques, « Hare Rama, Hare Krishna », un trio formé par les deux basses et le piano est bien vite rejoint par les anches et les flûtes qui étirent les sons de façon démesurée, provoquant une distorsion de l’espace et du temps, tandis que la basse de Beb Guérin sautille avec vivacité. La pièce s’achève de façon paroxystique, les instruments improvisant à l’unisson de façon collective. Il semble bien qu’une erreur au niveau des écritures de la pochette ne crédite pas Didier Malherbe sur ce morceau mais sur un autre où il ne joue pas.
« From Out of Bartok » qui ouvre la seconde face fait irrésistiblement penser à une composition de Cecil Taylor du début des années soixante. L’interprétation est virtuose et Arthur Jones absolument parfait, précis et puissant, poussé par les accords au piano, plaqués implacablement par la main sûre de Narada Burton Greene.
Une folie identique traverse la dernière composition de l’album « 2-1-2 vibrations » qui a été écrite par le leader lorsqu’il était à Woodstock. Au long des quatre mouvements au tempo contrasté on remarque la maîtrise des musiciens, le brio de Jacques Coursil, la classe internationale de Beb Guérin et l’interprétation très maîtrisée du leader.
L’album n’est pas d’un abord facile ou immédiat, il demande attention et concentration à l’écoute, en fait, bien qu’il appartienne incontestablement à la famille des musiques improvisées il n’en demeure pas moins très écrit et structuré.
(Il faut patienter un peu avant que la musique ne démarre...)
cush
Inscrit le : 18/02/11 Membre Disque Diamant
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Posté le 22/06/15 à 08:24
09- Jimmy Lyons: Other Afternoons
A1 Other Afternoons 12:50
A2 Premonitions 7:30
B1 However 11:00
B2 My You 6:30
Alto Saxophone – Jimmy Lyons
Bass – Alan Silva
Drums – Andrew Cyrille
Trumpet – Lester Bowie
Il porte le numéro 9 de la série mais a été enregistré le 15 août, lors de la deuxième grande vague d’enregistrement de cet été là. Ceux du Panafrican festival d’Alger sont arrivés, comme Alan Silva le bassiste de cette session. Jimmy Lyons et Andrew Cyrille sont venus accompagner Cecil Taylor pour ce qui restera un concert historique joué à la Fondation Maeght, le 29 juillet, où se trouvaient également Ayler et Sun Ra. Lester Bowie lui est présent depuis le début avec l’Art Ensemble de Chicago. Mis à part Lester Bowie qui fait figure de « nouveau », les trois autres se connaissent bien, ayant accompagné Cecil Taylor ensemble pendant près de trois ans. Il n’en reste pas moins que cet enregistrement est important car c’est la première fois que Jimmy Lyons est leader d’une formation et signe un album de son nom.
Jouer aux côtés de Cecil Taylor est une référence extraordinaire pour un musicien. Le pianiste est l’ une des figures musicales les plus importantes de son siècle. Il a révolutionné la façon de jouer de son instrument et créé un monde sonore inouï. Longtemps il a cherché le complément idéal pour jouer sa musique et l’a enfin trouvé dans la personne de Jimmy Lyons, qui restera à ses côtés jusqu’à son décès en 1986. Paradoxalement, alors que Taylor est un chantre de la modernité, c’est l’ancrage profond de Lyons dans le be-bop qui lui vaudra les faveurs du maître. Non pas qu’il joue bop bien sûr, mais il a une grande connaissance des racines de cette musique et équilibre le discours souvent épique du pianiste, qui joue puissamment de tout son corps pour bâtir des murs du son jamais encore entendus.
Côté cohésion tout fonctionne merveilleusement, dès « Other Afternoons » nous sommes pris dans un tourbillon qui fait penser immédiatement à Ornette Coleman, Cecil s’en va par la porte et Ornette entre par la fenêtre ! La section rythmique est d’une complémentarité sans faille, Andrew Cyrille dessine des espaces et envoie des impulsions de façon continuelle. La basse bien ronde d’Alan Silva propose des directions et attise le feu, les souffleurs sont continuellement boostés et l’incendie prend. Lester Bowie ne s’en laisse pas conter et intervient avec autorité, élevant le niveau d’exigence. Le leader, ainsi sollicité, envoie tout, avec brio et maîtrise, puisant dans la richesse de son background musical, transposant toute la puissance du souffle d’un Charlie Parker dans un contexte free, s’appuyant continuellement sur son sens inné du rythme pour développer un discours mélodique abouti.
Ce premier album de Jimmy Lyons fait preuve d’une grande maîtrise et convainc de bout en bout.
(Malheureusement je n’ai pas trouvé de lien « you tube pour cet album.)
porige
Inscrit le : 21/06/15 Membre Disque Platine
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Posté le 22/06/15 à 20:42
Tout cela est bien alléchant et il y a de la matière c'est certain...
Continuez Mister Cush !
cush
Inscrit le : 18/02/11 Membre Disque Diamant
3225 messages
Posté le 22/06/15 à 21:45
porige a écrit :
Tout cela est bien alléchant et il y a de la matière c'est certain...
Continuez Mister Cush !
Bienvenue porige, tu tiens dans les mains un album qui fera éclater la colère du grand Shepp!
Il me reste encore bien des étapes avant d'en arriver à cet épisode...
Pour une fois que quelqu'un s'intéresse à mon topic avec de bons arguments à la main, ne le fais pas fuir !
fabri628
Inscrit le : 04/10/13 Membre Disque Diamant
2686 messages
Posté le 22/06/15 à 22:36
cush a écrit :
(citation)
Pour une fois que quelqu'un s'intéresse à mon topic avec de bons arguments à la main, ne le fais pas fuir !
Rassures toi, même si je ne participe pas, ton Topic est très intéressant et très instructif et suivi par , je pense, grand nombre d'entre nous
fred36
Inscrit le : 08/05/14 Membre Disque Diamant
4545 messages
Posté le 22/06/15 à 22:42
fabri628 a écrit :
(citation)
Rassures toi, même si je ne participe pas, ton Topic est très intéressant et très instructif et suivi par , je pense, grand nombre d'entre nous
+1
marillion
Inscrit le : 18/11/12 Membre Double LP
496 messages
Posté le 22/06/15 à 22:45
Pareil!
perceval
Inscrit le : 08/05/12
Modérateur
11096 messages
Posté le 22/06/15 à 22:45
cush a écrit :
Pour une fois que quelqu'un s'intéresse à mon topic avec de bons arguments à la main, ne le fais pas fuir !
T'inquiètes...
cush
Inscrit le : 18/02/11 Membre Disque Diamant
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Posté le 22/06/15 à 23:18
Merci à vous pour vos encouragements !
floyd71
Inscrit le : 12/04/13 Membre Disque Diamant
4375 messages
Posté le 22/06/15 à 23:21
fabri628 a écrit :
(citation)
Rassures toi, même si je ne participe pas, ton Topic est très intéressant et très instructif et suivi par , je pense, grand nombre d'entre nous
OUI , oui , plus moi aussi
hypsis
Inscrit le : 30/06/13 Membre Disque Diamant
4780 messages
Posté le 23/06/15 à 07:42
Les chroniques de Cush sont toujours super intéressantes et bien détaillées c'est un plaisir de te lire.
cush
Inscrit le : 18/02/11 Membre Disque Diamant
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Posté le 23/06/15 à 08:20
Bon, z'êtes gentils les amis, allons la suite !
cush
Inscrit le : 18/02/11 Membre Disque Diamant
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Posté le 23/06/15 à 08:39
10 – Alan Jack Civilization - Bluesy Mind
A1 I've Got To Find Somebody
A2 Shame On You
A3 What You're Gonna Say
A4 Baby Don't You Come Back Home
A5 The Way To The Hells
B1 What's Wrong
B2 Some People
B3 Middle Earth
• Bass Guitar, Percussion, Flute, Vocals – Richard Fontaine
• Drums, Tambourine, Percussion, Vocals – Jean Falissard
• Lead Guitar, Percussion, Vocals – Claude Olmos
• Piano, Organ, Harmonica [Mouth Organ], Vocals – Alan Jack
Voici le fameux album fantôme de la série Byg Actuel, ce numéro dix figure bien dans le projet, comme l’atteste la publicité en début de page, mais son édition ne verra jamais le jour, à sa place il restera un grand vide et quelques points d’interrogation. Pourtant l’album sortira bien en 1970 en deux versions, l’une française chez BYG et l’autre allemande sur le label « Métronome », c’est la version présentée ici. Je ne connais pas la raison exacte de cette décision, mais je propose une hypothèse qui restera au rang des suppositions, sans le témoignage des décideurs. Puisqu’il faut trouver une justification à cette mise au ban de la série Actuel, je la pense stylistique et artistique. En effet, tous les albums de la série sont voués aux musiques nouvelles, créatives, se tournant vers l’avenir ou la recherche, quelque soit le style abordé, jazz, rock ou musique contemporaine… Or l’album d’Alan Jack Civilization ne correspond à aucun de ces critères : c’est du pur blues-rock, honorable certes, mais dans la lignée de ce qui se faisait, sans doute mieux, outre-manche par exemple.
Alan Jack, de son véritable nom Jacques Braud, est le leader et l’organiste du groupe, il a composé également une grande partie des titres de l’album. Le musicien sans doute le plus remarquable ici c’est le guitariste Claude Olmos. Il jouera, plus tard, dans les groupes Alice, Cœur Magique et Magma où il tiendra la guitare de façon remarquable sur l’album emblématique du groupe : Mekanïk Destruktïw Kommandöh. La section rythmique assure convenablement, remplissant son contrat avec une honnête efficacité. Le problème provient plutôt du mixage, les voix sont sans doute un peu trop en avant, dans la tradition de la variété française, côté chant, personne dans le groupe ne peut rivaliser, pour rester dans le style, avec un Joël Daydé , sur son album « j’aime », par exemple (qui sortira l’année suivante).
Les compositions sont assez intéressantes, bien sûr on n’atteint pas le niveau d’un Clapton ou d’un John Mayall, mais on remarquera quelques pointes d’originalité, plus particulièrement sur les compos d’Alan Jack, « What you’re gonna say », « Baby don’t you come back home » le meilleur titre de l’album, « The way to the hells » qui fait penser aux compositions de Cream et « Middle earth » qui clos l’album. Le paresseux « What’s wrong » s’inscrit dans la tradition des blues lents, il fait figure de clin d’œil sympathique propre au genre, on sent le potentiel d’un tel titre sur scène !
En définitive cet album, l’unique LP du groupe, est devenu, du fait de sa relative rareté, un collector assez recherché. Malgré quelques défauts, pas tous imputables au groupe, l’album ne manque pas d’atouts, fier de son étiquette « blues-rock », il brille par sa présence au milieu du désert hexagonal, et c’est là sa grande force.
La pochette Française (provient du net).
cush
Inscrit le : 18/02/11 Membre Disque Diamant
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Posté le 23/06/15 à 11:18
Photographié par E.Bakhtadzé
L’activité d’Archie Shepp en cette période est phénoménale. Après son concert au Panafrican festival d’Alger le 30 juillet 69, il enregistre à Paris, coup sur coup, plusieurs albums pour Byg, « Yasmina » le 12 août, « Poem for Malcom » le 14 et « Blasé » le 16 ! Un peu plus tard il enregistre d’autres sessions pour la firme française America , « Pitchin can » et « Black Gipsy » en novembre 69 et « Archie Shepp & Philly Joe Jones » pendant cette même période. Sans nul doute une bonne fée veille sur Archie Shepp car ces enregistrements sont le plus souvent absolument remarquables et même exceptionnels.
bouisseur
Inscrit le : 28/02/10 Membre Disque Diamant
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Posté le 23/06/15 à 11:50
cush a écrit :
Merci à vous pour vos encouragements !
moi aussi belles découvertes
porige
Inscrit le : 21/06/15 Membre Disque Platine
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Posté le 23/06/15 à 17:46
Impossible de se lasser de "Blasé"
cush
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Posté le 23/06/15 à 19:27
porige a écrit :
Impossible de se lasser de "Blasé"
Oui difficile d'en être blasé !
porige
Inscrit le : 21/06/15 Membre Disque Platine
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Posté le 23/06/15 à 19:52
Jeanne Lee y est merveilleuse (cela dit comme toujours)
cush
Inscrit le : 18/02/11 Membre Disque Diamant
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Posté le 23/06/15 à 20:27
11 - Archie Shepp: Poem for Malcolm (août 1969)
Une bien vilaine pochette! La possession depuis une trentaine d'années de l'album de la série double actuel ne m'a pas incité à investir plus qu'il ne fallait dans un album qui cependant est bien un BIEM ! Tout comme pour le premier album de la série il faut préférer la pochette avec la photo aux couleurs naturelles...
BYG Records – 529.311 – 14 août 69, Paris
A -Mamarose /Poem For Malcolm (13:30)
Bass – Alan Silva ; Drums – Claude Delcloo ; Other [Tympani] "Philly" Joe Jones; Piano – Burton Greene ; Tenor Saxophone, Voice – Archie Shepp
B -Rain Forest / Oleo (19:50)
Bass – Malachi Favors ; Drums – "Philly" Joe Jones ; Piano – Vince Benedetti ; Tenor Saxophone – Hank Mobley ; Tenor Saxophone, Piano – Archie Shepp ; Trombone – Grachan Moncur III
Shepp, en plus d’être un musicien, possède de multiples cordes à son arc: compositeur, enseignant, dramaturge, agitateur et aussi poète… On connaît aussi son engagement politique, en secouant bien tout ça et en mélangeant, on obtient cette première face, composée de Mamarose, l’hommage à sa grand-mère et de Poem for Malcom, dédié à Malcom X, militant pour la défense des droits de l’homme et plus particulièrement pour ce qui concerne la communauté Afro Américaine, il sera assassiné par des membres de Nation of Islam, mouvement politico/religieux qu’il avait quitté peu avant. Il symbolise avant tout la lutte du peuple noir contre le racisme et pour l’égalité des droits.
La musique est entièrement improvisée, d’après un canevas convenu à l’avance. La section rythmique s’échappe des règles habituelles pour libérer un flot continu d’énergie, le travail sur les cymbales et les percussions est particulièrement impressionnant, donnant le sentiment incessant du perpétuel retour, comme une succession de vagues déferlant à rythme régulier sur la plage… Alan Silva se pose en colonne vertébrale de l'orchestre, laissant à son fidèle ami Burton Green le soin de marteler d’accords dramatiques cette très belle composition dont s’empare Archie Shepp avec un superbe solo de soprano.
Puis vient la déclamation de Poem for Malcom, avec des accents d’émotion très intenses soulignés par la basse grave d’Alan Silva, le ton sentencieux des tambours et la tension née de la répétition des notes et des accords au piano… Archie scande plus qu’il ne dit son hommage, déclamant les mots lentement pour en faire sentir toute l’intensité dramatique. La première face ne dure que 13’30 (de bonne zique) et s’achève ainsi…
Rain Forest débute par un solo de Shepp seul au saxophone dans un registre bluesy, entre plainte et cri, il est rejoint par les roulements de tambours de Philly Joe Jones qui intervient par intermittence, ponctuellement, dialoguant avec le saxophone par petites touches savantes… Archie reprendra ces exercices en solitaire ou en duo plusieurs fois lors de son parcours discographique, appréciant particulièrement la formule. D’ailleurs l’une des caractéristiques de Shepp, c’est son côté caméléon, mis au service d’une très forte personnalité.
Tout à coup, tout s’accélère avec « Oléo », la composition de Sonny Rollins, qui jette ses feux. Il n’est pas anodin que Shepp reprenne Sonny Rollins dont il se rapproche par la similitude de sa technique sur le souffle, cette respiration identique rapprochant irrémédiablement les caractéristiques de leurs styles. Hank Mobley est à nouveau aux côtés de la jeune garde et ne s’en laisse pas conter, délivrant de magnifiques solos incandescents ! Le fidèle Grachan Moncur III, l'un des plus grands trombonistes de son temps, apporte à nouveau sa sagesse et sa contribution sur cette pièce qui termine l’album en apothéose.
Excellent album, dans un registre original, dont on regrettera la brièveté.
"En 1969, lorsque Impulse a découvert que j’avais pas mal enregistré pour Byg, cela a cassé mon contrat, ce qui n’était pas génial. J’avais une famille de quatre enfants. Impulse était généreux, mais je ne pouvais pas y arriver avec seulement deux disques par an, et pas question d’avance. J’ai retravaillé plus tard pour eux avec Attica Blues et The Cry of My People…" A.Shepp
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